mardi 20 janvier 2009

Différences, changement et réflexion


C'est dans un petit théâtre du 18ème arrondissement, le Lavoir Moderne Parisien, que Vincent Byrd Lesage lit le fameux discours de Barack Obama, De la race en Amérique. Il est dirigé par José Pliya, directeur de la scène nationale de la Guadeloupe, "L'Artchipel". Réflexion et interrogations garanties.

Dimanche après-midi, lorsqu'on pénètre dans la salle du Lavoir Moderne Parisien, on a évidemment en tête l'investiture de Barack Obama, qui a lieu mardi 20 janvier. Mais revenons à Paris, ce n'est pas le "vrai" Obama que l'on va voir, mais la lecture en français de son discours de Philadelphie, De la race en Amérique. Discours qui lui a valu d'être comparé à Marin Luther King. Discours durant lequel il a été interrompu dix-sept fois par les applaudissements. C'est donc un discours mythique que l'on va entendre.

Une voix off nous remet en mémoire le contexte, et la raison de ce discours: en réponse aux attaques des médias concernant les paroles provocantes du révérend Wright, ami et pasteur du candidat qu'est encore Obama en 2008, ce dernier écrit lui-même un discours qu'il lit à Philadelphie, le 18 mars 2008. La mise en scène est très épurée: un pupitre, sur lequel est posé un micro, est situé sur le devant de la scène, au milieu. Derrière, il n'y a aucun décor, mais des lumières bleues, rappelant la couleur du parti démocrate américain, éclairent le mur vide.

Entre alors le "faux" Barack Obama, l'acteur Vincent Byrd Lesage. Il s'installe derrière le pupitre, et commence à lire le discours. José Pliya lui a demandé de ne pas le mémoriser, même si cela arrivera naturellement après plusieurs représentations. L'acteur est habillé comme Barack Obama, costume noir, chemise blanche et cravate bleue. Assez étrangement, peut-être est-ce le cadre qui la crée, on remarque une légère ressemblance avec le 44e président des Etats-Unis. De plus, il est métis, et, détail amusant, né le même jour qu'Obama, le 4 août 1961. Les projecteurs sont braqués sur lui, tandis qu'il lit le discours, de manière très calme.

Au début, on est un peu étonné. Il commence calmement, mais il va peut-être le lire comme Obama, faire ses envolées lyriques propres au nouveau président, jouer sur l'émotion de l'auditoire... Mais non. Vincent Byrd Lesage lit De la race en Amérique d'une voix posée, doucement mais sûrement. Les temps de pause qu'il prend sont bienvenus pour nous laisser réfléchir à ses paroles.

Mais peu à peu, à mesure que l'acteur nous parle du problème de vivre avec l'autre, de vivre ensemble malgré les différentes couleurs de peau, les différentes cultures ou les différentes religions, l'image de Barack Obama surgit. Vincent Byrd Lesage fait les mêmes gestes qu'Obama: il se tourne vers sa droite et vers sa gauche, comme si le public était tout autour de lui, comme pendant les meetings de l'ancien candidat démocrate. Il tient le pupitre de ses deux mains, comme s'il voulait l'arracher plutôt s'appuyer dessus. À travers ses mots français, l'acteur laisse Obama nous envahir. On le voit presque sur la petite scène de ce théâtre parisien, avec sa verve, ses gestes, et l'espoir que sa voix porte.

Et c'est sûrement là que réside la force de la lecture dirigée par José Pliya. Lui et Vincent Byrd Lesage ne voulaient pas imiter Obama -autant aller voir la vidéo du discours du You Tube- mais véhiculer le message présent dans son discours De la race en Amérique. Faire naître les interrogations chez les spectateurs. Réfléchir sur les Etats-Unis, mais également sur la France, puisque le discours est lu en français, à Paris. Et comme l'a montré le débat qui a eu lieu après la lecture, l'objectif est atteint. La lecture nous permet de mieux entendre les messages portés par le texte, qui ont un sens universel, et qui dépassent l'homme même qui a écrit ce discours. La mise en scène très sobre n'évoque pas du tout les shows d'Obama, mais nous offre un espace propice à la réflexion et l'imagination. José Pliya et Vincent Byrd Lesage nous offrent une lecture qui nous interroge, nous pousse à réfléchir à la question du "vivre ensemble", et nous touche.

Aujourd'hui, 20 janvier, au Théâtre du Rond Point à 18h30.
 Au Lavoir Moderne Parisien, 35 rue Léon, 75018 Paris, du 25 janvier au 23 février, les dimanches à 15h30, les lundis à 19h15.


mercredi 7 janvier 2009

Sacrée bonne femme!


"Oh, t'as vu, elle ne les fait pas du tout ses quatre-vingt balais, hein?" C'est la petite remarque qu'on entend à la sortie des cinémas en ce moment.... Oui, c'est vrai qu'Agnès Varda, petite bonne femme "rondouillarde et bavarde" comme elle dit, semble plus jeune. Son dernier film, Les plages d'Agnès, est un véritable succès. Sorte d'autobiographie où la réalisatrice mêle des plages de sa vie aux séquences de ses films, le spectateur se promène au bras d'Agnès, en souriant, en riant, et en pleurant. On voit Gérard Philippe, les fils de Jean Vilar, Catherine Deneuve jeune, Agnès dans les bras de Jacques Demy... Mais elle parle également de ses expositions, de ses voyages et de sa maison, rue Daguerre, vieille cour désaffectée qu'elle a aménagée en un bel appart. On a envie de prendre un pot avec elle, de se promener sur les plages du Nord ou sur l'île de Noirmoutiers quand on sort du cinéma. 
Agnès Varda a eu une belle vie, qui heureusement n'est pas finie! L'ombre de Jaques Demy semble la suivre partout, mais pas de manière macabre. À voir, ça délasse et ça réchauffe par ce froid!

un pas en arrière, deux pas en avant


Lent dehors, ou la quête de soi à travers son passé? Le livre de Philippe Djian, publié en 1991, raconte l'histoire d'un professeur qui vient de se faire larguer par sa femme, Edith. Il part alors pour deux mois aux Etats-Unis, à Cape Cod, sur la côte Est, et face à la mer, il se replonge dans son passé. Le roman est donc un va et vient entre le présent et le passé, jusqu'à ce que les deux temps se rejoignent. L'auteur crée tout de suite une ambiance particulière, qui donne envie au lecteur de lire de plus en plus vite les 500 pages du livre, tout en ne voulant pas qu'il se finisse. Un monde à part, celui d'une troupe de danseurs, des voyages, des trains, le froid russe, la vie à Paris... on ne sait plus où donner de la tête, et on se laisse bercer par le doux érotisme qui se dégage de certaines scènes. On éclate de rire aussi, et on sourit à l'ironie du ton utilisé par le narrateur. Chaque personnage est attachant, et lorsqu'on referme le livre, c'est un peu comme si on quittait sa famille. À lire sans hésiter, et à relire si c'est déjà fait.